Brèves du Comptoir...

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24/09/2007

La petite fille de Monsieur Linh

Merci à Kitty de m'avoir fait parvenir ce commentaire de lecture sur ce très beau livre qui arrive en poche au Comptoir cette semaine:


Ode à la vie
Dès la quatrième de couverture, les thèmes dessinés de l´exil et de l´identité, servis me semblait-il par une langue simple et belle, m´ont attirée. Je me suis emparée de ce livre, anxieuse de le lire, espérant une de ses rares rencontres qui, à travers mes nombreuses lectures, peuvent illuminer mon quotidien, combler ce désir éperdu d´humanisme.
Dès la première page, l´émotion m´a submergée. Tous mes sens étaient en alerte. Je suivais les larmes aux yeux le départ et l´arrivée de ce vieillard, simple paysan, Monsieur Linh arraché à son pays car tout n´était que ruines, avec sa petite fille, un bébé. Une force indestructible l´habitait cependant, lutter pour sa petite fille et ne pas oublier son pays, la musique de sa langue. Je marchais à ses côtés, sentant ses pas hésitants, ses gestes répétitifs dûs à son besoin de se rassurer. Le foyer d´accueil, le monde qu´il découvrait était gris sans odeur, hostile. Ses compatriotes se moquaient de lui. Il faisait toujours face frêle saule avec sa petite fille Sang Diû dans ses bras, la protégeant, l´aimant, lui chantant toujours la même chanson, prière contre l´oubli.
Philippe Claudel dessine par touches subtiles le déracinement, les souvenirs qui affluent, le rejet par nos sociétés de tout ce qui est différent, l´enfermement, les regards qui blessent, la folie. Mais en grand humaniste il décrit l´espoir sous la forme d´une rencontre inespérée sur un banc. Monsieur Linh Sang Diû lovée dans ses bras, paisible, et monsieur Bark, veuf, plongé dans sa solitude, s´assoient l´un à côté de l´autre. Brusquement ses deux êtres vont se découvrir. Cette amitié, où les mots ne peuvent servir, trouvera le chemin de gestes simples, partagés : un regard, un sourire, une main qui se pose, des larmes, des promenades côte à côte, un cadeau de monsieur Bark : une jolie robe pour Sang Diû...
La chute surprenante du livre éclaire les deux personnages et leur donne une nouvelle densité. Ce conte aurait pu se contenter d´être un conte sur l´exil, la folie, l´exclusion et l´amitié.Il est plus que cela. Philippe Claudel a choisi de ne pas citer de pays, de ne pas entrer dans une précision psychologique des personnages pour en faire un conte universel. Dans un monde où l´exclusion est de plus en plus la norme (Ne cherche-t-on pas à renvoyer 25 000 étrangers sans papier en France?) Philippe Claudel nous rappelle ce qu´est l´accueil, son devoir pour nous pays nantis qui avons été si souvent liés aux raisons de ces exils. Monsieur Bark n´est pas seulement l´homme seul compatissant que l´on aimerait être, il est celui qui a enfoui une honte que la présence de monsieur Linh va faire ressurgir. Face à la mer, à côté de monsieur Linh il se laisse envahir par des souvenirs douloureux: "Lui aussi des images lui reviennent terribles, odieuses, inhumaines... et ces larmes dévalent sur ses joues... Je le connais votre pays... on m´a forcé à y aller... c´était une guerre... J´avais 20 ans... Je n´avais rien dans ma tête... J´ai vu votre pays ... je me suis dit que le paradis devait y ressembler... et nous, ce paradis on nous a demandé d´y semer la mort..."
L´AMITIÉ , la VÉRITÉ , la TOLÉRANCE peuvent nous permettre de dépasser ces tragédies ou tout au moins de les affronter pour créer un monde meilleur où les êtres ont besoin les uns des autres et où le souvenir d´une personne aimée et disparue peut nous rendre bien semblables dans notre peine (La scène des photos des deux épouses disparues créent une complicité entre ces deux hommes).
J´ai lu bien des blogs et me suis sentie très étonnée que cet aspect essentiel de l´histoire ne soit jamais mentionné, attristée par ces vaines discussions sur le livre "Est-ce une nouvelle, un roman, sa langue est moins poétique que d´habitude..." Que de platitudes !!! Une langue plus retenue était indispensable à la gravité du sujet.
Intéressée par la personnalité de Philippe Claudel, j´ai découvert sans étonnement qu´il était professeur universitaire et connaissait aussi le travail avec des handicapés moteurs et dans le système pénitencier. Aujourd´hui, 20 septembre, alors que mes commentaires étaient prêts, j´ai lu un article espagnol où Philippe Claudel explique ce que j´avais pressenti (la dimension politique). Cet accord entre nous ne m´étonne pas, il me réjouit car durant toute cette lecture j´ai ressenti une communication continuelle avec les personnages, l´auteur et son interrogation sur les amnésies françaises. J´ai rencontré un grand humaniste et je lui dis merci de me permettre d´espérer que tout est encore possible .
Kitty

2 comments:

rachel said...

et bin cela a l'air d'un livre pas pire..;o)

Anonymous said...

Kitty dit...
oui ,un livre triste , sensible , humain mais aussi plein d´espoir.
C´est de cette manière que je l´ai lu

26 septembre